Le terme « logement » décrit l’espace selon des critères d’appréciation quantitatifs, administratifs ou économiques. Un logement se veut fonctionnel, on le dit social, locatif, il se propose en accession libre ou abordable. Nombre d’acteurs l’appréhendent sous l’angle du lot, du produit, de la défiscalisation.
L’habitat porte, lui, une tout autre ampleur, dans une dimension affective et sensorielle. Il suggère une façon de vivre un lieu et la possibilité de se l’approprier.
Un habitant investit l’espace qu’il occupe : il l’aménage, y crée son monde, définit un univers qui lui ressemble et qui porte son empreinte. Car on habite pleinement un lieu lorsque l’on peut y déployer sa singularité.
Notre rôle d’architecte n’est-il pas alors d’inscrire dans l’espace les conditions de cette hospitalité ? Dans le corset des mètres carrés et face au formatage des programmes, l’enjeu n’est-il pas de laisser du champ libre, du vide, du jeu pour que l’habitant puisse lui-même jouer avec son lieu ?
Cette expérience de l’hospitalité se vit dans une multitude de détails. Certains relèvent à l’évidence du plan même de l’habitation : positionnement des porteurs, distribution astucieuse, parois escamotables, jeux de portes, doubles hauteurs, prolongements sur l’extérieur…
D’autres relèvent plutôt de l’agencement : appui de fenêtre, tablette, marche filante, niche, fonctionnalité d’un rangement…
La réussite tient dans la mise en relation de chacune de ces dispositions : même sobre, l’espace peut alors susciter émotions et sentiment de bien-être.
L’habitat induit par ailleurs une double polarité : la sphère intérieure du chez-soi et celle des espaces communs de l’être ensemble. Habiter pleinement son intérieur est tout aussi important que de prendre plaisir aux espaces partagés.
Soigner les lieux de passage, y inscrire les mêmes invitations d’appropriation que celles de l’espace privé procèdent d’une démarche de mise en scène pour que les lieux encouragent la rencontre. Ainsi, tout ce qui est habituellement considéré comme purement technique dans la vie d’un immeuble peut être envisagé comme un lieu propice aux instants de voisinage, comme une occasion de faire communauté. Un parking devient lieu de covoiturage, un hall abrite un marché éphémère, un local poubelle propose un compost communautaire, autant de signes d’un d’engagement collectif dans un mode de vie durable. L’espace dévolu aux boîtes aux lettres permet l’affichage des possibilités d’entraide entre voisins, dans un jeu d’offres et de demandes de services. Les locaux vélos deviennent quant à eux de véritables ateliers pour bricoler et réparer ensemble.
Chacune de nos interventions vise ainsi à rendre possible cette vie de voisinage, qui incarne in fine le théâtre d’un quotidien épanoui : notre travail trouvera pleinement son sens s’il procure du bien-être aux personnes qui habitent nos bâtiments.